vendredi 7 mars 2014

J.A.D. Ingres et la Vierge à l'hostie


De 1835 à 1841, Ingres dirige très activement la Villa Médicis. Très influencé par l’art italien, il peint et dessine plus qu’à l’ordinaire. C’est durant cette période que le futur tsar Alexandre II, de passage en Italie en 1836, passe commande d’une première « Vierge à l’hostie ».

Jean Auguste Dominique Ingres donne un premier dessin préparatoire. Puis, le tableau est achevé en 1841. L'oeuvre, d'abord donnée à l'Académie des Arts de Saint-Pétersbourg en 1842, passe ensuite à l'Ermitage. En 1939, elle fut transférée au musée Pouchkine, à Moscou, où elle se trouve encore.



Dans cette première version, le peintre choisit de substituer à Jésus l’hostie sacrée. Il montre de part et d’autre de la Vierge saint Alexandre Newski et saint Nicolas. Si le décor reste classique, voire italien, Ingres transcrit une couleur slave à son tableau, par les deux personnages saints, mais aussi par l’absence presque formelle de représentation divine.
 
En 1854, Jean Auguste Dominique Ingres choisit de reprendre ce même thème de la Vierge à l’hostie, inscrite dans un cercle comme les Tondide de la Renaissance. Ici le peintre accentue la facture classique de l’œuvre et remplace les saints slaves par des anges actifs et joyeux. L’arrière-fond de couleur sombre suggère un univers végétal. Les chandeliers sont plus imposants et encadrent le personnage principal. La Vierge est ici beaucoup plus présente et lumineuse, le trait beaucoup plus travaillé. A la façon de Raphaël, le peintre laisse à voir une vierge pensive et aimante, méditant sur le fils disparu.


 
On connait également une troisième version de ce tableau, datant sans doute de 1860, et dont la localisation est aujourd’hui inconnue.

jeudi 6 mars 2014

Raphaël et La Madone Connestabile


La Madone Connestabile est une peinture religieuse de Raphaël. Le tableau est aujourd’hui exposé au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Daté de 1504, ce tableau est probablement une œuvre de jeunesse peinte par Raphaël en Ombrie avant son départ pour Florence. Cette Madone fut commandée par le comte Alfano di Diamante. L’œuvre est devenu ensuite la propriété du duc de Staffa, puis l'oeuvre revint en héritage à la famille Connestabile de Pérouse (d'où le nom dutableau), avant d’être acheté au XIX° siècle par l’impératice russe Maria Alexandrovna, épouse de l’empereur Alexandre II.

Tempera sur bois transférée sur toile, diamètre 17,9 cm, musée de l'Hermitage, Saint-Petersbourg.
Ici, Raphaêl donne à voir une composition plutôt classique de la Vierge à l’enfant. Penché mi face sur l’enfant, la Vierge est présentée comme un personnage humble. Cette humilité s’affirme également dans ses gestes. Elle tient ici un livre qu’elle semble lire à l’enfant. L’enfant nu dirige également son regard sur le livre, annonçant, par les Saintes écritures, le destin tragique du Christ. On soulignera aussi que les plissées sont peu marqués et les cercle divins peu soulignés.


A l’arrière-plan, on perçoit un paysage mi-bleu mi gris qui renforce l’impression général du tableau. Ce paysage est tout aussi modeste, quelques collines, un lac avec barque de pêcheurs et une montagne enneigée au loin.
Ce petit tableau est une des œuvres qui ouvre une longue série des Madones de Raphaël.

A noter, que Giovanni Battista Salvi, dit Sassoferrato reprendra cette même composition dans sa Vierge et l'Enfant Jésus, modifiant le format en tondo (en cercle).


Jacques Stella et la Sainte famille


Jacques Stella, peintre lyonnais, né en 1596, part très jeune en Italie. Il travaille d’abord à Florence pour le grand-duc Cosme II de Médicis de 1616 à 1622, puis connait à partir de 1623 une période romaine. Il y séjourne une dizaine d’années, avant de revenir en France et de s’installer à Paris. Il commence alors un riche période de commandes privée, très marqué par l’influence de Poussin, avec qui il a lié une longue amitié et par Raphaël. En ce sens, Jacques Stella participe de « l’atticisme » parisien, nom que l’on donne à ce qui deviendra plus tard le classicisme pictural.

Peu connu, souvent jugé comme un pâle imitateur, le style de Jacques Stella a été reconnu bien plus tard et plusieurs expositions françaises ont pu montrer son talent et son raffinement. Nous retenons ici Jacques Stella par l’abondance des Vierges et autres Saintes Familles qu’il a pu composer, parfois à des années de distance, empruntant souvent la même composition et parfois les mêmes symboles.

Tel est le cas de la similitude entre et La Sainte Famille conservée au musée Thomas-Henry de Cherbourg (sans date, sans doute vers 1630). Il existe certes quelques différence de format (horizontal à Dijon, vertical à Cherbourg), mais ces tableaux de petit format sont tous les deux destinés à un usage privé. Les personnages principaux ( (la Vierge, l’Enfant Jésus, Joseph, Jean-Baptiste) sont identiques, comme claqués d’un tableau à l’autre.

 

L’Enfance du Christ, musée des beaux arts de Dijon, 1651
 
La Sainte Famille, musée Thomas-Henry de Cherbourg, vers 1630.
 
Cependant, les deux œuvres montrent des différences notables. D’abord part la lumière : le tableau de Dijon étant beaucoup plus éclairé, même si la scène se déroule aussi à l’intérieur. Dans la version de Cherbourg, le clair-obscur est beaucoup plus accentué, laissant de nombreux éléments en arrière-plan presque dans le noir. Les couleurs claires de la version de Dijon sont très présentes, par un jeu subtil entre le jaune, l’or, l’ocre et le bleu. Ici, Jacques Stella développe une autre peinture, caractéristique du classicisme qui se développe au milieu du siècle.
Dans les deux scènes on remarquera également les éléments familiers, entre jeu intime et symboles religieux : l’arrêt de l’étude des textes pour Joseph, la table, Jésus à cheval sur l’agneau, Jean-Baptiste donnant des fleurs ou un rameau, Marie penché aidant l’enfant à aller de l’avant seul.
La Sainte Famille de Dijon semble dans ce sens décrire une plus grande familiarité : l’âtre, la cheminée et le berceau, un chat qui se réchauffe, un ange qui prépare la bouillie du Christ.

mercredi 5 mars 2014

La Maestà de Cimabue

La Maestà de Cimabue (Giovanni Cenni de Pepe, 1240-1302) est une oeuvre imposante composée en 1280. C’est d’abord un oeuvre d’église : elle ornait à l’origine le maître-autel de l’église San Francesco de Pise. Son cadre est d’origine. Imposante également de la part ses dimensions, 427 × 280 cm, qui en fait une oeuvre immense et majestueuse (plus imposante que la Maestà de Santa Novella de Florence ou de la Madone Rucellai du Siennois Duccio di Buoninsegna conservée à la Galerie des Offices)
 
Mais cette oeuvre, à l’inverse des autres Maestà que nous pourrons presenter, ne se trouve pas en Italie. Elle se trouve aujourd’hui au Louvre. Elle faisait partie des spoliations napoléoniennes (en 1813), et au regard de ces dimension, le retour dans son pays d’origine n’a pas été possible.
Ce retable du XIII° siècle doit encore beaucoup à l’art byzantin. On y perçoit une composition symétrique d’abord par le cadre du tableau puis par l’alignement des anges qui entourent la Vierge. Le fond dorée rappelle aussi l’art byanztin, ainsi que la forme des vêtement ou des corps. Le trône de la Vierge est aussi peint de manière orientale. Nul doute, qu’il y a dans cette oeuvre une reference aux origins, rappelant que le peintre acquitte sa commande à un ordre régulier, les Franciscains. Il marque ainsi la réference (et la continuité) à l’humilité et à la pauvreté.
Mais ces éléments, visibles sans doute de tout spectateur de l’époque, ne peuvent cacher les nouveautés qu’empruntent ici Cimabue. D’abord par le lumière et la juxtaposition des couleurs. En observant les anges au premier plan, on voit clairement un difference de traitement entre le personage et ce qui l’entoure. Le bleu des ailes et le rouge de la tenue relevant en quelque sorte l’expression du visage. C’est dans les corps et dans l’expression des visages que Cimabue innove. Grâce à ce procédé, il capte la lumière comme symbole d’expresssion et de dévotion. Une autre nouveauté vient des drapées et des contrastes qu’elles imposent. On le voit particulièrement dans le vêtement de la Vierge, mais aussi dans les drapées gris-bleus des anges au premier plan. Grâce à ces nouveaux procédés, mélant lumière et et couleur, le peintre insiste sur l’élévation et la majesté. Nous sommes ici dans le règne de la lumière.
 
Dernier point que nous pouvons remarquer, c’est la relation mere-enfant. Si la Vierge est en representation, l’enfant a des traits humain, peint sur le même mode que les autres personnages. Avec son bras, il semble donner la voie (d’ailleurs cette composition classique est centré sur ce geste). Tous y répondent. Ce qui est assez inhabituel à cette époque.
Ce qui est d’autant plus clair ici, c’est que déjà nous avons basculé dans une autre ère. De la lourdeur écrasante des représentations byzantine, nous passons avec Cimabue du côté de la légèreté et des voiles presque diaphanes (voir le détail de l’ange avec son voile léger). Cimabue parvient ainsi à entretenir une émotion intime avec le spectateur, sans déroger aux règles de son art.

Cranach l'Ancien et la Vierge aux raisins


Parmi les nombreuses œuvres consacrées à ce thème, voici La Vierge aux raisins (1509-10. Huile sur panneau, 72 x 44 cm. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza) de Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553), artiste majeur de la Réforme Luthérienne.
Cette Vierge, entourée dans un décor de château et de montagne, reste pensive, le visage rond, une bande verte entourant le vêtement traditionnel. Elle est très différente des madones italiennes, puisqu’elle nourrit l’enfant et semble le protéger en dehors de sa tâche. Il reste que l’expression de la Vierge est énigmatique. Ici Cranach associe avec brio les couleurs chaudes et les couleurs froides et travaille en arrière-plan le paysage (château et montagne) comme un décor surréaliste.
La Vierge aux raisins (1509-10. Huile sur panneau, 72 x 44 cm. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza

Une autre version de ce tableau se trouve au Musée des Beaux-Arts de Budapest, intitulé La Vierge allaitant l’enfant (1515). On retrouve, presque à l’identique les mêmes éléments de décor et l’attitude de la Vierge n’est pas très éloigné du premier tableau. Les jeux de couleurs sont ici plus intenses et la lumière est centrée sur la scène principale.


La même composition est également visible dans la Madone et l’enfant avec Saint-Jean, datant de 1514 et exposée à la Galerie des Offices de Florence (remarquons ici que l'arbre de gauche forme une croix). Il existe aussi de nombreuses variantes de ce thème parmi les œuvres de Cranach l’Ancien.
 
 

 

Vierge et enfant, 1518, 41 x 31 cm,  Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe
 
Vierge et enfant à la grappe, après 1537, 77 x 57 cm, collection privée
 
On peut aussi tout naturellement rapprocher ce tableau de La Madone aux raisins ou à la Grappe (1520-1525, Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen), qui se trouvait vers 1550 en possession de Raymund Fugger. Quelques années plus tard, Cranach reprend le même thème, le tableau semble plus symbolique : les plissées et l’allure générale de Marie sont plus allégoriques. Les détails sont également plus travaillés, soulignant davantage la relation poétique entre la mère et l’enfant. On remarquera aussi l’apparition de deux angelots qui donnent encore plus de religiosité à la scène.

Au regard de ces quelques exemples, on perçoit bien que les commandes de Vierge à l'enfant sont très nombreuses et que Cranach sait utiliser aussi ce marché en donnant à voir différentes variantes d'une composition déjà largement éprouvée.

 

mardi 4 mars 2014

Francesco Albani, dit l'Albane


Francesco Albani dit l'Albane, est né le 17 août 1578 à Bologne et est mort dans cette même ville le 4 octobre 1660. C’est un peintre baroque du XVII° siècle, surnommé à son époque « le peintre des Grâces ».
 
Formé à l’école de Bologne, Francseco Albani entre d’abord dans l’atelier du peintre flamand Dennis Calvaert, puis rejoint les peintres Carracci, parfois francisé sous la nom de Carrache (Annibal, son frère Agostino et son cousin Ludovico) et suit l’Académie Degli Incamminati. Albani y rencontre un autre artiste Guido Reni (1575-1642), une rivalité amicale s’en suivra bien des années plus tard.
Comme ses maîtres, Francesco Albani, en réaction au maniérisme, se forme à l’étude du dessin d’après le nu et à la peinture à travers l’étude de chefs-d’œuvre. En 1600, Albani se rend à Rome, grâce à Annibale Carracci, au . Il y exécute également des fresques à l’église Nostra Signora del Sacro Cuore et dans le Palazzo Mattei di Giove. Son travail dans ces églises a contribué au développement du style bolognais à Rome.
Albani est ensuite conduit dans le nord de l’Italie, grâce à une commande privée du marquis Vincenzo Giustiniani. Ici, il compléte une grande fresque intitulée La Chute de Phaéton, d’après Les Métamorphoses d’Ovide. C’est à partir des sujets mythologiques ou allégoriques qu’Albani peint ses plus grandes oeuvres, comme La Toilette et le triomphe de Vénus, Vénus entouré de nymphes et de cupidons (Musée du Prado, Madrid), Le Repos de Vénus et de Vulcain (Musée du Louvre, Paris) ou Europe sur le taureau.
Albani a également travaillé les sujets religieux, au travers de fresques (la chapelle du palais du Quirinal à Rome entre 1609 et 1612, en collaboration avec Reni, le choeur de Santa Maria della Pace à Rome également).
Francesco Albani peint dans un style gracieux et classique, caractérisé par la présence de nombreuses nymphes et de putti, jeunes angelots nus, dans une paysages idéaux en arrière-plan. Il laisse ainsi plusieurs Vierge à l’enfant et une Sainte Famille (1630-1635, Galerie Palatine, Palazzo Pitti, Florence) particulièrement remarquable.
 

La Sainte famille, 1630-35, huile sur toile, 57 x 43 cm, Galerie Palatine, Palais Pitti, Florence.
Ce tableau de petit format est typique des commandes liées à une dévotion privée. On retrouve ici toute la délicatesse d’Albani. La tableau est centré sur la rencontre des deux enfants, l’enfant Jésus sortant de son lit. Les deux personnages sont entourés d’adultes, laissant croire à l’intimité d’une réunion de famille. La scène se déroule à l’extérieur et l’on perçoit à l’arrière plan les fragments d’une architecture antique (redoublé par le piédestal de l’avant-plan). D’un côté, Joseph, accoudé sur une table de pierre, tient une attitude méditative ; d’un l’autre côté, deux anges, bras croisés, affirment leur dévotion et leur approbation. Au-dessus, en triangle, les deux angelots surplombent la scène, typique de la peinture d’Albani.
La Sainte Famille (et les symboles de la passion), 1650, huile sur cuivre, 55,5 x 41 cm, Musée de Dijon
Ce tableau est a rapproché de la Sainte Famille (et les symboles de la passion), 1650, huile sur cuivre, 55,5 x 41 cm, Musée de Dijon. Ici le cadrage est plus précis et le paysage a quasi disparu de la scène. La Vierge est plus en représentation, offrant son sein à l’enfant, son attitude sans doute moins attentionnée. A ses pieds, un ange porte les langes et un autre s'agenouille au pied du berceau. Jospeh interrompt sa lecture mais sa posture est presque identique. Au dessus trois angelots entourent la croix : l’un pleure, un autre porte le calice, préfigurant la passion du Christ.
Il existe deux autres versions de la composition de Dijon, l'une à l'église San Paolo in Monte, à Bologne, sans doute une copie, la seconde, peinte sur cuivre (H. 54 ; L. 39), au Musée Poldi-Pezzoli à Milan. Le thème de la Sainte Famille associée à l'évocation de la Passion est en outre représenté par l'Albane à l'église Santa Maria di Galliera, à Bologne.
 
La Sainte Famille dans un paysage, Musée de Grenoble.
 
On retrouve cette même scène, presqu’à l’identique dans La Sainte Famille dans un paysage, Musée de Grenoble.
Ici le tableau est de forme ovale et le format est plus petit (34 x 43 cm). La scène est plus rustique et les éléments du paysage plus naturels. La famille semble au repos après un long voyage (la besace au pied de Joseph l’atteste). La sainte Vierge a la même attitude que dans le tableau précédent, penchée avec tendresse sur le nouveau-né. La tête de Joseph repose aussi sur la main gauche. Il tient ici un livre et semble, pour un moment, se détacher de sa lecture. On retrouve aussi deux anges derrière la sainte Vierge, ainsi que les angelots au-dessus de la scène (au nombre de trois). Tous ces éléments ne peuvent que rapprocher les deux tableaux, même si la version du musée de Grenoble peut apparaître moins majestueuse.
Albani a décliné le sujet de dans Sainte famille dans deux autres tableaux, issus aujourd’hui de collections privées.
 La Sainte Famille, 1610, huile sur cuivre, 37,5 x 28,5 cm, collection privée
La Sainte Famille dans un paysage, 1608-10, huile sur cuivre, 34 x 26 cm, collection privée

Ces deux petits tableaux, à destination privée, sont spécifiques de la production d’Albani. Ces œuvres ont été peintes sur le cuivre, une technique qu’Albani avait appris dans l’atelier de Denys Calvaert. Il existe certes quelques variations entre les deux images à la fois dans l’attitude des personnages, mais on retrouve les mêmes particularités. A noter que sur le premier tableau, apparaissent les anges et que le bas-relief est probablement une allégorie de la charité.
On poursuivra notre découverte de l’œuvre de Francesco Albani, par deux tableaux exposés au Musée du Capitole à Rome.
 Madonna avec l'enfant, 1630, huile sur toile, 24x20cm

 
Madonna avec l’enfant et les anges, entre 1610 et 1615, huile sur ardoise, 109x160cm